Matt Georges - THE.DIRTY.DOGS.

Je ne me voyais pas faire ce premier volume sans une photo de Shaun White. Malgré toutes les critiques justifiées et injustifiées qu'il essuie depuis qu'il a ce statut de "star" en dehors du milieu du snowboard, il reste pour moi un des rideurs de pipe et de slopestyle les plus talentueux depuis une dizaine d'années. Il y a très peu de personnes finalement dans le sport en général qui arrivent à rester aussi bons aussi longtemps. Il est tout à fait comparable à des mecs comme Sebastien Loebb, Schumi, Kelly Slater etc. Il fait monter la sauce, invente des nouveaux tricks et va deux fois plus haut que tout le monde ! Alors aussi bien je déteste la compétition et ne considère pas le snowboard comme un sport comparable au football, ça reste pour moi quelqu'un de respectable qui a laissé une sacré empreinte. Je ne parle bien sûr que de la partie snowboard. C''est dommage qu'il n'ait jamais ouvert sa gueule pour dénoncer tel ou tel abus de la part du C.I.O. ou qu'il utilise son statut pour promouvoir des trottinettes et boissons énergétiques plutôt que du "bon" snowboard . Il s'est juste perdu en route et doit avoir 5 agents à temps pleins autour de lui qui gèrent son business. Alors peut-être qu'il est juste con, ou très mal entouré mais sur son snowboard, on peut pas le nier... il est vraiment bon ! 

Comme tu as peut-être pu le constater chaque double page est organisée comme une sorte de continuité, qu'elle soit graphique ou thématique. Pour cette page précisément il y a d'un côté Shaun White aux X-Games (j'ai viré les pubs "Monster" et "US.Army") en gros Backside Air à 7m au dessus du coping, et de l'autre côté Gigi Rüf en gros Method d'un pillow à un autre dans de la grosse poudreuse en backcountry. Soit le même trick, par deux légendes du snowboard, dans deux mondes complètement différents.

 

Peux-tu nous détailler la fabrication du livre ? C'est déjà un objet collector ...

Pour ce premier volume, qui porte donc le même nom que cette maison d'édition, il s'agit d'un livre auto-édité à 500 exemplaires, de 190 pages en noir et blanc, au format A4, à l'italienne (format paysage), imprimé au milieu des Alpes françaises,sur du papier recyclé, avec des encres écologiques. La couverture a quant à elle été fabriquée et embossée dans les atelier de typographie artisanale de Jérôme Haldemann à Leysin, TYPOW STUDIO. Quant au livre lui même, c'est moi qui le relie avec un cordon de cuir naturel. Chaque exemplaire et numéroté et daté du jour de fabrication. Il y a une version Deluxe limité au 50 premiers exemplaires, avec un beau packaging japonais en tissus noir, un set de 6 cartes postales et un petit notebook A6 de 60 pages fabriqué à la main également. La version classiques est quant à elle empaqueté dans des grandes feuilles ayant servi au calage de l'encre noire pour les pages intérieurs. Chaque exemplaire est différent et présente donc ce côté artisanal.

Tu es photographe senior chez Onboard et Whitelines qu'est-ce qui t'a poussé à produire un autre support papier ?

Depuis que j'ai commencé à bosser dans ce milieu il y a une dizaine d'année, j'ai eu plusieurs casquettes (directeur artistique, photo éditeur, photographe sénior), j'aime vraiment tout ce qui s'articule autour de la création d'un support papier, et ça me manquait un peu de ne faire que des photos. Il se passe tellement de trucs dans les milieux du skate et du surf comparé à celui du snowboard, du coup j'ai eu envie de lancer un petit projet. 

THE.DIRTY.DOGS. est par ailleurs quelque chose de très différent d'un magazine classique vendu en kiosque. Premièrement il n'y a aucune publicité, de ce fait aucune politique éditoriale. Je fais mon choix sur des coups de coeurs et non pour satisfaire telle ou telle marque. Bien entendu je ne crache absolument pas dans la soupe, un magazine possède ce fonctionnement là, c'est tout a fait compréhensible, il peut garder tout de même une part d'indépendance mais il ne faut pas le nier... c'est une pratique courante. Dans la limite du raisonnable c'est parfois un peu dicté consciemment ou inconsciemment par les annonceurs qui le font "exister". C'est un cercle complet et moi-même je suis indirectement rémunéré par tout ça. 

Bref, c'est également venu d'une double frustration. La première, et je me permet de parler au nom de la majorité des photographes de snow, la plupart de nos photos préférées n'étaient jamais sélectionnées et restaient donc au placard. C'est un fait, c'est comme ça. Les goûts et les couleurs de chacun, ce n'est pas toujours simple à gérer. Deuxième, j'en avais un peu marre de voir de superbes histoires sur seulement 6 ou 8 pages, avec pleins de belles photos en vignettes. L'exemple le plus flagrant est ce trip en Antarctique avec Xavier de le Rue et Lucas Debari, shooté par Tero Repo. Transworld a fait 6 ou 8 pages seulement avec probablement une pub en plein milieu... Ça me rend dingue de savoir que les mecs ont vomi leurs trips pendant 5 jours en traversant le Cap Horn, pour aller rider des icebergs et que ça ne fait qu'un mini-article dans un des plus grands magazines de snow. Bref encore une fois, je comprend, peut-être que ça ne fait pas rêver les kids et peut-être aussi que c'est moi qui vieillit. Je ne sais pas trop ... 

Bref, cette histoire de Tero Repo fait 18 pages dans THE.DIRTY.DAGS. J'aurais aimé en faire plus, forcément, mais j'avais tellement de bonnes photos pour d'autres sections que j'ai du réduire un peu.

Comment peut-on se procurer un exemplaire de THE.DIRTY.DOGS. ?

Pour le moment il y a une plateforme sur internet où il est possible de se le procurer : the-dirty-dogs.com

Il y a également quelques points de ventes comme la galerie/librairie BUENO! Books à Tokyo, le shop de vêtements de Jules Reymond LOW KEY STUDIO à Vevey en Suisse, et la galerie 6Feet & Perfect à Biarritz. Je t'avoue que je n'ai pas encore trop cherché à le faire distribuer, il y a eu pas mal de commandes tout de suite et ça prend du temps de les relier et préparer un à un. Je n'avais pas envie de rajouter de la paperasse et des coups de fils pour le mettre en dépôt-vente dans des shops. Il me reste environ 150 exemplaires sur les 500 et je préfèrerai que ça s'écoule grâce au bouche à oreille, plutôt que d'avoir à me battre pour récupérer quelques dizaines d'euros de tel ou tel point de vente. C'est un projet qui ne me fera jamais vivre car tout est réinvesti donc je ne peux pas non plus me permettre de trop perdre de temps à courir après les factures.

Y aura t'il d'autres tirages ? Voir même de nouvelles éditions ?

Il y aura d'autres projets par la maison d'édition, probablement moins "ambitieux", probablement des petits fanzines etc. toujours dans cet esprit D.I.Y.

THE.DIRTY.DOGS.volume.two. est prévu pour 2015. Il y a eu de très bons retours pour le moment et je commence doucement à réfléchir à ce prochain projet. L'idée est créer un nouveau "livre-objet", mais avec une reliure, un format et un papier différent. Il y aura peut-être même aussi un peu de couleur. Par contre je ne prévois pas de refaire un autre tirage du premier volume si celui-ci était amené à être en rupture.

Merci Matt.

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