Air & Style Pékin report

La Chine est probablement le pays au monde qui nourrit le plus de fantasmes. A la fois inaccessible et si proche, à la fois capitaliste et communiste, incroyablement riche grâce à une grande partie de la population vivant sous le seuil de pauvreté... et surtout un marché d'1milliard et demi de client potentiels qui fait briller les yeux de beaucoup de monde. L'Air & Style qui a eu lieu à Pékin était un évènement de toutes les premières: premier grand évènement de snow en Chine, premier contest 6*TTR de la saison, premier évènement "Shaun White", premier voyage en Chine pour la plupart des riders, et pour nous. Gros portfolio dans la suite, vidéo juste là dessous, voilà comment cela s'est passé pour nous.

Air & Style Beijing / Pékin - 4 décembre 2010.

Lorsque nous avons appris par que le Air & Style débarquait en Chine, on a d'abord été surpris, puis très intéressés par l'excuse que cela nous donnait pour un trip en pays inconnu. Parce qu'au fond, oui, avouons le, le big air sur structure métallique n'est pas forcément le coté du snowboard dans lequel nous nous reconnaissons le plus.

Bref, par où commencer... Ha oui, il y avait une compétition de snowboard, et vous êtes sur un site de snowboard. Donc parlons de snowboard. Ou plutôt, d'une certaine vision du snowboard.

Alors bien sûr, la sempiternelle question du style sera au cœur des débats des puristes que nous sommes (le fan de sports extrêmes et de red bull lambda, lui, étant ravi du spectacle). Que dire. Bien sûr que la compétition s'appelle le Air & STYLE, et que les gagnants sont ultra techniques. Oui, trois des quatre premiers le sont en 1260° (Elias finissant 3ème en double cork 1080). Mais pour les avoir vu rider dans la vraie vie, et ailleurs que sur un échafaud dans un stade construit par un régime totalitaire, ces gars là sont aussi capables du meilleur style de la planète. Elias déchire la poudre comme personne (ici par exemple), Mikkel Bang a une part incroyable dans la dernière vidéo Transworld et les deux premiers ont moins de 19 ans, ils ont le temps de faire des vidéos parts, et j'ai l'intuition que vous n'avez pas fini d'en entendre parler.

Le problème viendrait alors de la notation? Un petit gars du nom de Devun Walsh faisait partie des trois juges, et le style, il connait quand même... Alors peut être la faute du format? Il est vrai que la suppression du système "saut style" + "saut technique" est dommageable, relançant la course au spin to win... sauf que bien souvent, à ce niveau de compétition, même les 1080° sont stylés...

Au final, qu'on le veuille ou non, sur une épreuve de big air (en montagne ou en ville d'ailleurs), il faut bien trouver un vainqueur. Et si c'est faire un cinq kat back sur-stylé qui l'emporte, je peux vous dire que ce sont des milliers de riders qui peuvent l'emporter... pareil sur un contest de rail, pour gagner aujourd'hui il faut du 27in hardway backlip 270 out, alors que le style imposerait un propre nollie backlip... Et oui les poulets, il faut un vainqueur, et le vainqueur c'est celui qui fait un cab 12 double cork. C'est tout. Avoir un vainqueur, c'est le principe même d'une compète. Et le spectateur lambda, lui, il aime bien savoir qui c'est le plus fort, qui est celui qui repart avec les 30 000$ de prize monney, les honneurs et les meufs.

Cela dit, ce n'était pas vraiment pour le snowboard que nous étions venu à Pékin. C'est vrai après tout, des big air urbain, il y en a souvent, et c'est la première fois que l'on se déplace (à part le freestyle.ch, ok). L'occasion était trop belle de découvrir un nouveau pays, une nouvelle culture. Et en quatre jour sur place, nous n'avons pas été déçus.

Le premier choc culturel est venu de notre... demande d'accreditations. Impossible de les retirer pour entrer dans le stade. Hé oui, nous avions des visa de touristes. Et le gouvernement a trouvé louche que des "Touristes" demandent une accréditation de "Journaliste"... Quoi, des journalistes infiltrés illégalement dans le pays?! Impensable! En effet, lorsque vous vous enregistrez en tant que journaliste, une personne est dédiée à "l'observation" de vos publications. Avec un visa touristiques, ils ne peuvent pas se préparer, pas observer, et le risque de rebellion est grand. Donc blocage. Quelques tractations plus tard, une phrase enlevée de l'article live sur le fait que le régime totalitaire interdisait tout accès à Facebook et Twitter plus tard, tout est réglé, on a nos pass, on peut travailler.

Nous traversons Pékin sous une épaisse couche de brouillard pour nous rendre jusqu'au stade. Puis nous apprenons que ce n'était pas du brouillard, mais juste la pollution. Hallucinant. (et pourtant on habite à Grenoble). Vous pouvez le voir à l'état de la neige, complètement grise là où les riders ne passaient pas... D'ailleurs une de nos vestes aura fait l'aller d'un blanc éclatant et le retour d'un gris tout Pékinois. Pékin est une des villes les plus polluées au monde, et avec 17,5 millions d'habitants qui accèdent aujourd'hui en partie à un mode de vie à l'occidental, cela ne devrait pas changer d'ici peu...

En partie seulement, car la rénovation de la ville à marche forcée (éradication des quartiers populaires au bulldozer, constructions d'immeubles dans tous les sens, irruption de toutes les sociétés capitalistes du monde dans les centres vivants de la ville) laisse sur le bas coté tout une population qui ne peut ou ne veut pas suivre cette transformation.

Nous arrivons au stade. L'endroit grouille littéralement de militaires. Des centaines d'officiers vêtus de leur tenue à l'étoile rouge surveillent chaque recoin, chaque rangée de siège. Impossible de faire un pas sans être épié par une quinzaine de paires d'yeux. L'ambiance, pour nous francais habitués à être plus relax sur ce genre d'events, est assez extraordinaire. Quelques milliers de spectateurs se seront fendus d'un billet bien moins cher qu'à Munich ou Innsbruck, mais représentant tout de même l'équivalent d'un resto pour trois personnes.

Quand les riders droppent, c'est l'euphorie dans le stade. Même les militaires, assez jeunes dans l'ensemble, ne peuvent s'empêcher d'halluciner sur ces mecs qui font des sauts avec leurs planches à neige. Bien sur, Haldor ravira la foule avec quelques backflips, et la bataille pour la victoire se mènera en 1260 et/ou double corks. Remise des prix sous une douche de faux champagne rouge.

Vous connaissez les résultats (1/ Seb Toots 2/ Seppe Smits 3/Elias Elhart 4/ Mikkel Bang), voici leurs runs de finales dans la vidéo officielle ci dessous. Retour à l'hotel pour travailler : pas facile de faire du web depuis la Chine. Tous les accès facebook/twitter/youtube/vimeo ou autres sont bloqués. Oui, tout site permettant à l'utilisateur de s'exprimer est considéré comme potentiellement subversif, et donc dangereux. Donc tout est bloqué. Y compris nos sites, très difficiles à joindre étant donné qu'ils incluent des plug-in facebook (les "like" et les "fan box", à droite). On laissera donc ce gros report pour publication à notre retour en France...

Vous vous demandez peut-être pourquoi l'évènement s'appelait le "Shaun White Air & Style"? Hé bien nous aussi. Shaun est passé 3 minutes l'après midi, quand nous l'avons attrapé illégalement pour lui poser la question de sa non participation (que vous retrouvez dans la vidéo, nous étions censés faire passer les questions par écrit à son équipe, cette dernière nous assurant que Shaun répondrait lui même par mail...) et est repassé le soir pour donner le prix au vainqueur. Bien sûr, il n'a pas ridé et entre temps, personne ne le verra, si ce n'est au petit dej à l'hôtel officiel... Ce mec est une vraie star!

Au final difficile de tirer un bilan de cette première édition moins d'une semaine après son déroulement. Une seconde édition aura t-elle lieu? Les chinois ont-ils vraiment été intéressés par cette épreuve, en ont-ils seulement entendu parler? Il semblait que la salle de presse soit pleine de média locaux, qu'ont-ils publié? Les télévisions chinoises ont elles parlé de l'évènement? Impossible d'en savoir plus... C'est la magie Chinoise!

Photos: Guillaume Lahure